La science est à nouveau, comme au plus sombre de nos histoires, trop souvent remises en cause par des convictions indémontrables, mais faciles à transmettre, puisqu’elles ne demandent pas de longs travaux de vérification. Nous le voyons avec les causes environnementales, réfutées par plusieurs pays malgré le quasi-consensus scientifique. Presque plus inquiétant, car vrai retour en arrière, on voit revenir en force des notions religieuses de créationnisme, d’anthropocentrisme et de géocentrisme, dont certains prédicateurs se servent pour relancer une vision unitariste et sous emprise divine de notre monde. Le créationnisme revient en force : aux USA, ce n’est rien de moins que la Secrétaire à l'Éducation Elisabeth DeVos et le vice-président Mike Pence, qui estiment que le créationnisme doit être enseigné à l’école et la religion chrétienne être le premier pilier éducatif, quand le Brésil vient de nommer un créationniste Benedito Guimarães Aguiar Neto pour diriger l’agence de l’enseignement supérieur. Plusieurs immams et prédicateurs lancent des fatwas sur la notion d’évolution ou de rotondité de la terre, comme le martèle le prédicateur saoudien Bandar al-Khaibari. Une thèse tunisienne de Sfax dirigée par le maître de conférences Jamel Touir, ancien député à l’Assemblée nationale constituante de Tunisie le « démontre » même, sur des bases mathématiques étonnantes, défendues d’ailleurs par un Recep Erdogan (président de la Turquie) qui ne cesse de lancer des allusions à ces principes dans ses prises de position. Des arguments repris par quelques stars américaines de la NBA, comme Kyrie Irving, qui n’a pas hésité à
déclarer que l’on nous mentait en affirmant que la terre était ronde, ou le rappeur B.o.B. qui voit dans la ligne d’horizon une preuve absolue de la platitude terrestre. Les exemples sont nombreux et, en ces temps de doutes, ne cessent de se multiplier, avec un renforcement des financements pour la défense de ces théories, à l’image de l’un des musées les mieux financés des USA, le musée du Créationnisme (Santee, Californie). Si ces notions sont finalement liées, c’est que les tenant d’une évolution divine sont aussi les premiers à réfuter les risques environnementaux (changement climatique, pollution, disparition des espèces) au nom du fait que notre Dieu est seul décideur de nos actes et avenir (1).
Ces attaques obscurantistes envers le fait scientifique sont donc liées, et nos ne pouvons combattre l’une sans questionner les autres. L’éducation est le premier des vecteurs pour faire grandir notre humanité. Mais lorsque cette éducation, au plus haut niveau des états, refuse la science pour lui préférer les Livres « sacrés », c’est tout un pan de l’humanité, et du vivant en général, qui sombre en direction de l’apocalypse, cette apocalypse si bien théorisée dans ces livres que l’humain semble s’être fait un devoir de le précipiter, pour mettre en adéquation ses théories les plus folles avec la réalité.
Nous nous devons de relever nos manches, ou plutôt d’enlever nos bonnets et nos œillères, pour nous convaincre du risque que représente aujourd’hui ces positionnements intellectuels très affirmés, afin de poursuivre, ou reprendre, la lutte pour la connaissance et la défense de la liberté de choix -plutôt que l’imposition divine-, un choix qui doit nous guider aujourd’hui vers une vraie considération des besoins pour construire un futur possible à notre planète. L’apocalypse pour les uns, la collapsologie pour les autres, n’est pas encore inévitable.
Elle ne sera vraie que si nous écoutons passivement ceux qui la défendent nous convaincre de l’inutilité de nos actes ! Celles et ceux qui veulent détruire n’ont rien d’autre à faire que de regarder le délitement et criant les mots de leurs livres. Ceux qui veulent préserver doivent lutter, travailler, un peu plus chaque jour. Mais chaque geste positif compte, même s’il paraît bien petit, même s’il est fatigant. Car il n’est pas seulement un acte concret. Il est aussi un exemple qui se répercute de jour en jour. Une exemplarité qui est peut-être notre seule parole, mais c’est une parole qui peut déplacer des montagnes…
(1) : pour en savoir plus sur ces notions et avoir toutes les références, voir mon livre "Explorer demain" aux éditions Robert Laffont, chapitre 4.
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