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Otage : et si nous condamnions, aussi, les véritables coupables ?



Depuis la libération des deux otages français ainsi qu’une Américaine et une Coréenne, avec le dramatique décès de deux soldats, je suis effaré face aux réactions d’une très grande violence envers les deux Français. On les voudrait morts, « vous devriez vous suicider » (c’est à la mode), « j’espère que vous crèverez dans votre honte » et autre joyeuseté nuancée. La condamnation est unanime. Alors que l’on n’a pas le droit de prononcer le nom d’un violeur récidiviste, leurs noms, coordonnées, lieux de travail, s’étalent partout. Sur les preneurs d’otage ? Rien. Pas un mot. Pas une ligne. Le vrai crime n’est pas d’avoir pris en otage, mais de s’être fait prendre en otage. D’avoir cru être libre là où des groupes terroristes considèrent que la liberté se paye de mort.

Que ces deux personnes ne devaient pas être là, sans aucun doute. Qu’il soit dramatique que deux soldats et un guide y aient perdu la vie, la question ne se pose pas, et toutes mes condoléances vont aux familles des victimes. Mais n’oublions pas non plus qui possède les armes, qui a pressé sur la détente. Le Bénin était, il n’y pas si longtemps l’un des pays les plus stables d’Afrique de l’Ouest et ses parcs de la Pendjari et du W des merveilles de biodiversité. On s’y promenait sans question, et le nord constituait l’un des apports économiques les plus importants.

Depuis trois ans, les populations de la bande frontière sont victimes de pénétrations de groupes terroristes, qui descendent du Mali après avoir enfermé le Burkina Fasso et le Niger dans la terreur. Le rouge s’étale sur les cartes dans l’indifférence la plus totale. Car c’est là le problème : le parc du Pendjari n’était PAS rouge au moment où ces deux personnes s’y rendent, seul le W l’était. Depuis ce triste évènement, il l’est devenu…

Que des raids de plus en plus violents tuent des centaines d’autochtones, qu’une zone entière ait été abandonnée aux terroristes, que les réserves de biodiversité soient brûlées et pillées pour nourrir les « armées » à l’heure de la 6e extinction des espèces, ne semble poser de problème à personne.

Les Béninois du nord vivent aujourd’hui dans la terreur. Ils savent qu’ils ont été abandonnés. (Imaginons ne serait-ce qu’un instant que, par facilité face au terrorisme, nous décidions demain de leur abandonner la Bretagne et la Normandie). Petit à petit s’installe Daech, ce terrorisme que nous avons cru si bien repousser de Syrie qui se répand comme une trainée de poudre dans des territoires autrement plus vastes, recrutant de plus en plus de laisser pour compte à qui l’on promet un repas. Nous le payerons tous très cher demain. Aujourd’hui, cette zone verte il y a peu est devenue rouge. Les locaux n’y peuvent rien. Les villages et les guides qui font tout pour vous y emmener simplement parce que, sans cela ils crèvent de faim (ou doive rallier les groupes armés).

Alors oui, nous devons peut-être « demander des comptes » à ces deux touristes. Mais la décence voudrait au moins que l’on condamne avec la même verve, à minima, les véritables coupables : ceux qui estime que liberté ne doit plus rimer avec humanité.

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